Grossesse surprise : je fais comment??

Raphaëlle Coquebert
Raphaëlle Coquebert
Grossesse surprise : je fais comment??

Vous êtes enceinte et ne vous y attendiez pas ? Panique à bord ! Que faire ? Les conseils de Delphine Porteaux, conseillère conjugale et familiale en libéral en Saône-et-Loire, confrontée depuis plus de 20 ans à cette situation. 

Delphine Porteaux

Que recommandez-vous prioritairement à une femme qui se découvre enceinte sans l’avoir vu venir ? 

De laisser venir ses émotions et de les nommer, les traverser. Une femme qui vit mal l’annonce de sa grossesse alors qu’elle n’est pas en situation de détresse objective peut, par exemple, culpabiliser. Or, il est capital qu’elle s’autorise à éprouver ses émotions, à les exprimer. Les nier peut être dévastateur.

Il faut aussi la rassurer sur l’ambivalence de ses ressentis : la peur et le contentement peuvent cohabiter.

Et après avoir décrypté ses émotions ?

Je suggère de prendre le temps de les accueillir en son for intérieur. Certaines femmes vont immédiatement s’épancher auprès de leur entourage au risque d’être sommées de prendre telle ou telle décision. Il me semble qu’il est bon d’éviter la précipitation, de garder d’abord pour soi cette nouvelle afin de se soustraire aux influences extérieures. Ainsi la femme peut se demander : « Dans le silence de mon cœur, de quoi ai-je envie ? » Je crois que même les non croyantes ont intérêt à se mettre à l’école de la Vierge : bousculée par des évènements imprévus (l’Annonciation, la naissance dans une étable, l’adoration des bergers…), Marie, nous dit l’évangéliste saint Luc, « méditait ces choses dans son cœur » (2, 51).

Mais si la femme enceinte éprouve le besoin d’en parler ?

Une fois qu’elle a mis au clair ses émotions et son désir profond, il est important qu’elle identifie les personnes de son entourage qui sauront lui apporter un vrai soutien. Les proches ne sont pas toujours les mieux placés, car ils plaquent sur la femme leurs propres angoisses. Ils peuvent se montrer très durs ou simplement maladroits. Si l’écoute bienveillante d’une personne de confiance ne suffit pas à pacifier la femme, il est vital qu’elle se tourne vers quelqu’un de qualifié : un Accueil Louis et Zélie, un(e) conseiller(ère) conjugal(e) et familial(e), un(e) psychologue, un médecin, un prêtre si elle est croyante, etc.

Quelle émotion domine chez une femme enceinte et surprise de l’être ?

La surprise justement ! Aujourd’hui, le contexte social et médical fait que les femmes ou les couples ont l’impression de maîtriser leur fertilité. Or, quelle que soit la méthode de contraception, une grossesse imprévue est toujours possible. Je me souviens d’une femme médecin qui pensait être stérile. Elle avait eu un enfant par PMA (Procréation Médicalement Assistée) et ne prenait pas de contraception. Quinze ans après, alors qu’elle avait passé le cap de la quarantaine, voilà qu’un bébé s’invite. Imaginez la tornade dans sa vie !

On sait peu, par exemple, qu’une femme peut tomber enceinte pendant la péri-ménopause -période durant laquelle la ménopause se prépare- jusqu’à près de 46 ans ! Comment ne pas accuser le coup quand on pensait avoir fait le deuil de sa fertilité ? Il n’y a pas de situation type, mais un sentiment commun : le désarroi face à ce qui fait irruption dans un projet.

Un désarroi inévitable si aucune méthode de contraception n’est fiable à 100% ?

Sauf s’il y a stérilisation définitive, une grossesse imprévue peut toujours advenir et générer une inquiétude. Mais ce qui est essentiel, c’est que le couple ait abordé le sujet ensemble en amont : parler de sa sexualité, de cette possibilité de donner la vie et de la réaction à tenir si la vie survient sans avoir été « programmée ».

Je constate que dans les faits, la plupart du temps, c’est la femme qui assume seule la responsabilité des méthodes de contraception. Aussi porte-t-elle le chapeau si elle tombe enceinte. Voilà ce qu’il faut changer ! C’est une affaire de couple. 

C’est pourquoi les méthodes naturelles préconisées par l’Eglise¹, si décriées, sont beaucoup plus qu’une méthode : c’est un mode de vie qui favorise le dialogue dans le couple. 

Une fois la surprise passée, quelles autres émotions se font jour chez une femme enceinte sans l’avoir désiré ?

La crainte ! Qui peut être de nature très différente : peur de perdre le père ou son travail, peur de ne pas être capable d’accueillir cet enfant, peur de ne pas avoir les moyens de l’élever… Il n’y a pas de situation-type, mais une constante : la femme subit encore trop de pressions.

Des pressions de la part de qui ?

Du conjoint, dont l’attitude relève parfois du chantage : « Soit tu avortes, soit je m’en vais. » Si la femme s’exécute par peur de perdre l’autre, elle perd en fait sur tous les tableaux, car la blessure restera et resurgira un jour ou l’autre. Si le couple se sent dépassé par l’annonce d’une grossesse surprise, il faut qu’il se tourne vers un professionnel. Car l’homme a aussi le droit d’être envahi par des émotions et de les exprimer.

Voyez-vous aussi des parents qui font pression sur leur fille ?

Bien sûr, même s’il y en a de formidables -comme il y a des papas épatants ! Je me souviens d’une mineure dont la mère n’avait pas fait dans la dentelle : « Ou tu avortes, ou tu quittes la maison. » Dans ces cas-là, il faudrait pouvoir entendre chacun des membres de la famille… D’où l’importance de se faire accompagner par des professionnels, des associations ou les services sociaux, qui peuvent prendre le relais. Les Accueils Louis et Zélie mettent un annuaire local à disposition des femmes.

Je me rappelle aussi de cette belle-sœur qui disait à une maman déroutée par sa grossesse : « Tu ne vas tout de même pas imposer aux parents un enfant supplémentaire ! » 

A qui encore la femme peut-elle avoir à rendre des comptes ?

A son employeur, bien sûr. J’ai travaillé durant 20 ans comme infirmière dans le médico-social et j’en ai vu des femmes qui se disaient « Si je garde cet enfant, je perds mon boulot, ou ma carrière est fichue. » Cette peur ne devrait même pas exister ! On oublie que la loi est formelle et interdit toute discrimination envers une femme enceinte…

La précarité matérielle est-elle un facteur décisif dans le refus d’accueillir un enfant ?

Il est sûr que les femmes sont trop peu informées sur les aides auxquelles elles ont droit -et elles sont nombreuses. Mais c’est rarement ce qui fait pencher la bascule dans un sens ou dans l’autre : la peur de ne pas s’en sortir est si forte qu’une énumération exhaustive soulage sans rassurer complètement… C’est d’abord d’écoute dont les femmes ont besoin, d’un lieu neutre pour déposer leur fardeau et comprendre ce qui se joue dans leur réaction.

Une chose que vous voudriez ajouter ?

Qu’il ne faut pas perdre de vue qu’une grossesse imprévue peut devenir désirée… 

NB : Si vous êtes de celles que l’annonce d’une grossesse terrasse, n'hésitez pas à prendre rendez-vous au sein de l'Accueil Louis et Zélie le plus proche de chez vous. S’il n'y en a pas, contactez-nous pour que l’on trouve ensemble une solution. Nous sommes à votre écoute.

¹On vous en dit plus dans un article à venir sur le site de Louis et Zélie ! Les catholiques désireux de creuser ces sujets pourront se référer aux livres d’Yves Semen : La sexualité selon Jean-Paul II (2004) et La spiritualité conjugale selon Jean-Paul II (2010).

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