Le handicap et la maladie décuplent ma soif de vivre

 Le handicap et la maladie décuplent ma soif de vivre

Cumuler à 22 ans deux graves maladies (myopathie de Duchenne et sclérose en plaques) et savourer pleinement sa vie, voilà qui tient de l’impossible ! Pas pour Nicolas Rengade qui choisit chaque jour de relever le défi : il en témoigne très simplement dans un livre rafraîchissant Mille joies et deux handicaps.

Vous aviez 8 ans et demi quand le diagnostic de la myopathie de Duchenne1 a été posé. Jusque-là tout allait bien ?

En apparence oui ! Je vivais alors au Japon où mon père avait été muté, auprès de mon frère et de ma sœur. J’y étais très heureux et n’ai pas prêté attention aux signes annonciateurs de la maladie : je courais lentement et sur la pointe des pieds, je peinais à monter les escaliers, je tombais sans raison… C’est ma marraine qui s’en est inquiétée, à juste titre : cette maladie neuromusculaire provoque un affaiblissement progressif des muscles.

Comment avez-vous réagi ?

J’étais encore un enfant. Ma mère s’est enfermée dans le déni. Pour mon père, dont je suis très proche, ça a été un sacré coup de massue. Il faut dire que mon espérance de vie est estimée à 30 ans… Quelques mois plus tard, mes parents se sont séparés. L’année 2009 n’a pas été une partie de plaisir…

Très vite, j’ai entamé des séances de kiné et porté des attelles la nuit. Puis, en 2015, une fracture du fémur provoquée par une chute dans l’escalier m’a assigné pour toujours au fauteuil roulant.

J’ai donc perdu l’usage de la marche          à 14 ans.

Et voilà que 15 ans plus tard, vous contractez une sclérose en plaques !

Ma vue s’est dégradée brutalement, j’ai dû être hospitalisé en urgence. Je souffrais d’une inflammation aigüe du système nerveux central, de la moelle épinière et des deux nerfs optiques. Après une quantité d’examens, le diagnostic est tombé. Je n’avais pas une mais deux pathologies dégénératives !

À quoi ressemble votre quotidien avec ces maladies très handicapantes ?

Mon autonomie est très limitée : il me faut de l’aide pour manger, me doucher, passer du fauteuil au lit, faire le ménage ou lancer une lessive… Aujourd’hui, j’ai deux auxiliaires de vie, à raison de 4 heures par jour. Par chance, l’un deux est un cousin avec lequel je partage un appartement à Villeurbanne (Rhône) depuis 2022.

La perte d’autonomie, on s’y habitue… Avec une commande vocale, je peux utiliser mon ordinateur et poursuivre des études. Le plus dur, c’est la fatigue : mon corps fonctionne par vagues, avec de brusques coups de mou durant lesquels je suis exténué. Ce n’est pas prévisible, ce qui nécessite une bonne dose d’adaptabilité. Puis, la météo joue beaucoup : en hiver, c’est plus dur ! Le froid réveillant les poussées inflammatoires, je suis en proie à une grande fatigue. Et contraint de rester chez moi car je ne peux enfiler un manteau seul… Je suis tributaire des auxiliaires de vie. 

Néanmoins, les médecins me trouvent plutôt en forme au regard des affections qui sont les miennes.

Dans mon for intérieur, je me vois vivre jusqu’à 50 ans…

Comment encaissez-vous cet acharnement du sort ?

Aussi bien que possible, je crois. Tout est dans le mental, la souplesse d’esprit, l’acceptation… Moi, j’ai choisi de vivre à fond car mon temps est compté et de savourer tous les petits bonheurs qui me sont offerts. Je traque le positif de chaque jour et j’essaie d’être dans la gratitude.

J’ai aussi compris que la distinction entre personnes malades et personnes normales n’avait pas de sens. Il m’est arrivé de me sentir humilié par mon extrême dépendance avant de comprendre que nous sommes tous marqués par la fragilité : le bonheur passe par le fait de savoir donner tout autant que recevoir.

Et puis, vous savez, au-delà des apparences, je suis gâté par la vie !

Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

D’abord, j’ai une famille formidable : un père à l’écoute très impliqué à mes côtés, une mère qui m'a élevé, un frère et une sœur dont je suis proche. J’ai aussi tissé des liens forts avec ma belle-mère et ses enfants qui sont pour moi une seconde famille. Ajoutez à cela une marraine adorable chez qui je suis comme chez moi, des cousins par flopée et des amis épatants aux quatre coins du monde. Les rencontres embellissent ma vie.

Comment rencontrez-vous du monde justement ?

J’ai toujours été très dynamique. J’ai fait beaucoup de sport quand c’était encore possible. Et aussi dix années de théâtre. Après un long temps d’interruption, je m’y suis remis. Je fais de la musique à mes heures perdues (Voir mon compte Insta). Et puis chaque semaine, je participe à un cours de conversation franco-japonaise. Le Japon est une véritable passion, un moyen de m’évader… J’y ai vécu enfant, il y a donc une part de moi qui y est très attachée. J’aime la langue japonaise, si concrète et poétique, la culture et l’art de vivre, les mangas et les animés et bien sûr la nourriture. Ah la nourriture japonaise, quel délice !

Enfin, je rencontre du monde par l’aumônerie. La foi compte beaucoup à mes yeux.

Vous avez toujours été croyant ?

Mes parents l’étaient. Papa nous incitait à venir à la messe le dimanche, sans nous y contraindre. J’ai aussi été marqué par l’exemple de mes grands-parents, avec lesquels je prie. Mon grand-père est très calé en matière de religion, ma grand-mère plus axée sur la relation à Dieu : elle a une confiance absolue en Lui.

Quand j’étais enfant, la prière a été mon refuge pour ne pas me laisser aller au désespoir. Puis, j’ai professé ma foi en une entité supérieure, sans bien savoir laquelle. Je me disais théiste. Jusqu’à une confession à Lourdes, où un déclic s’est fait : je crois au Christ !

Que s’est-il passé exactement ?

Depuis dix ans, nous participons en famille au pèlerinage national de l’Assomption. C’est un temps fort pour moi : je suis très touché par la fraternité qui règne en ce lieu. Je m’y sens bien, je m’y renouvelle spirituellement auprès de la Vierge Marie à qui je confie des intentions. Le reste du temps, c’est plutôt au Seigneur que je parle. Je le prie chaque matin depuis ce jour de 2019 où je suis allé me confesser sur la recommandation de mon frère que je regarde comme un guide spirituel. J’avais alors 16 ans. 

J’ai prié une quinzaine de minutes pour savoir vers quel prêtre me diriger. Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre le prêtre en question me demander d’abord ce qui comptait pour moi, ce que j’aimais, ce qui allait bien dans ma vie. J’en ai été très ému. Puis j’ai avoué mes fautes et je suis ressorti léger et heureux comme jamais. Je me suis senti infiniment aimé et ça a changé ma vie ! Au point que depuis ma confirmation, je porte une alliance au doigt, symbole de mon alliance avec Dieu.

Que représente le catholicisme pour vous ?

Ce que j’aime dans cette religion, c’est qu’elle invite à être reconnaissant et à se soucier de ceux qui souffrent pour leur apporter un peu de joie. Et c’est ce qui m’anime au-delà de tout : semer du bonheur autour de moi, épauler ceux qui traversent un passage à vide. J’ai reçu un appel profond à témoigner de ma joie de vivre dans ce monde où je suis profondément aimé de ma famille et de mon Dieu.

Ce n’est pas sans raison que j’aspire à devenir coach !

Où en êtes-vous de ce projet ?

Après une licence de droit, j’ai intégré l’École de coaching JBS à Lyon. Aider les autres à se connaître, décrypter et résoudre leurs problèmes me correspond bien. J’ai souvent été choisi comme confident. C’est que j’aime écouter : une écoute qui permette à mon interlocuteur de se livrer sans être interrompu– ce que vous pratiquez, je crois, aux Accueils Louis et Zélie… Ce savoir-être est précieux dans toute relation.

Mille joies et deux handicaps, Editions Poésie-io, 2024, 101 pages, 15,40€.

https://linktr.ee/nicorengade

1Voir à ce propos le témoignage et le livre de Xavi Argemi

NB : Si vous vous sentez pour votre part écrasé par la maladie ou le handicap, n'hésitez pas à prendre rendez-vous au sein de l'Accueil Louis et Zélie le plus proche de chez vous. S’il n'y en a pas, contactez-nous pour que l’on trouve ensemble une solution. Nous sommes à votre écoute.

Partager sur

Ça pourrait vous intéresser.

Handicap

« Voilà 26 ans que nous luttons pour ne pas laisser le handicap nous engloutir »

« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants »… Cédric et Sophie en rêvaient, ils l’ont fait ! En dépit du très grave accident advenu 8 mois après leur mariage qui aurait pu faire voler en éclats leurs espoirs. 26 ans et 4 héritiers plus tard, Sophie raconte son rugueux compagnonnage avec le handicap, transcendé par sa foi en la Vie.

Lire l'article
Handicap

Vivre l’aujourd’hui avec la maladie de Duchenne

Sous le titre Ma vie jusqu’au bout, les éditions Téqui portent à la connaissance du public français un témoignage publié en 2023 en catalan, par un presque trentenaire espagnol Xavi Argemí, « Aprendre a morir per poder viure » , littéralement Apprendre à mourir pour pouvoir vivre.

Lire l'article
En cliquant sur "Accepter tous les cookies", vous acceptez que des cookies soient stockés sur votre appareil afin d'améliorer la navigation sur le site, d'analyser l'utilisation du site et de contribuer à nos efforts de marketing. Consultez notre politique de confidentialité pour plus d'informations.