
Alors qu’en apparence tout lui sourit, Clotilde Margottin sombre à 30 ans dans une grave dépression qui dure plusieurs années. Déterminée à en sortir, elle opère dans sa vie des changements radicaux qui lui permettent de doucement reprendre pied. Son témoignage Se relever, toujours (2022) est une mine d’or pour ceux que le mal de vivre terrasse.
Il se dit que nombre de dépressions prennent racine dans une enfance douloureuse. Est-ce votre cas ?
Pas du tout, au contraire. J’ai grandi dans un milieu très protégé, avec des parents aimants : mon père travaillait beaucoup au service de sa famille, ma mère se donnait tout entière à ses enfants, avec douceur et abnégation. À la maison, l’ambiance était joyeuse et mouvementée, la porte toujours ouverte aux amis. Même s’il n’était pas forcément simple de se frayer une place dans la fratrie.
Sur tous les plans, vous trouvez facilement votre voie…
Oui, je suis entière, sociable, curieuse de tout et pleine d’énergie. Je me sens bien charpentée, je sais où je veux aller, quel sens donner à ma vie. J’ai un souvenir radieux de mes années de collège-lycée comme de mes années d’études : je mène de front une foule d’activités et tisse de belles amitiés.
Sur le plan professionnel, après un master 2 en communication, je m’investis dans différents projets et associations puis décroche un poste dans une grosse boîte, avant de me tourner vers le journalisme.
Sur le plan personnel, je tombe amoureuse très tôt, à 18 ans, d’un garçon que je côtoie depuis longtemps. J’ai 23 ans quand il me passe la bague au doigt et j’envisage l’avenir avec confiance.
Votre entrée dans la vie adulte commence donc sous d’heureux auspices ?
Oui. Sur le plan affectif, nous savourons le bonheur de la vie à deux après une attente de 5 années. Notre mariage nous apparaît comme un accomplissement et nous comble de joie. Nous avions tant rêvé ensemble de notre avenir ! Le premier enfant s’annonce rapidement, nous construisons notre nid pour lui faire sa place.
Sur le plan professionnel, c’est plus instable et incertain : on galère financièrement, sans en faire tout un plat.
Quand une première fissure, dont je n’ai mesuré qu’a posteriori l’impact, s’ouvre dans notre vie sans histoire : une dépression post-partum de 6 mois.
Comment est-ce arrivé ?
Le baby blues est assez fréquent et peut surprendre les mamans non averties. Chez moi, il y a une cause avérée : une erreur médicale de l’anesthésiste lors de la péridurale qui a causé une fuite du liquide céphalo-rachidien. J’ai dû retourner au bloc en urgence, puis être alitée pendant un mois alors même que mon nouveau statut de maman requérait toute mon énergie. D’où cette dépression. Remise sur pieds en six mois, je suis passée à autre chose, malgré un mal de dos persistant.
De par ma nature hyperactive, j’avais coutume de ne pas m’écouter assez : alors j’ai serré les dents pendant des années, jusqu’à ce que je sois opérée en urgence pour un syndrome de queue de cheval [compression des nerfs qui se situent à la base de la colonne vertébrale, NDRL] due à la brèche provoquée lors de mon accouchement. Si j’en parle, c’est que je sais aujourd’hui que j’ai été fragilisée par cet épisode.
Ceci mis à part, vous reprenez le fil d’une vie heureuse ?
Exactement ! D’autant qu’après 4 ans de mariage nous concrétisons enfin notre projet de quitter la région parisienne. Mon mari et moi avons un besoin viscéral de nature : lui est un sportif, moi une contemplative. Enfant, je passais mes vacances en Bretagne : l’eau, la mer, le grand air me sont indispensables. Nous posons nos valises dans la campagne genevoise en Suisse, en 2008. Je suis enthousiaste et motivée par ce nouveau projet.
Après une agréable période de découverte des richesses touristiques de la région, je déchante vite : j’ai quitté ma famille, mes amis, mon job et me retrouve au foyer, à m’occuper de deux tout-petits sans relais ni tissu amical. Je souffre de la rudesse du climat et de la routine du quotidien -d’autant que je suis une perfectionniste attachée à tout faire parfaitement ! Là-dessus, alors que je suis enceinte du troisième, mon beau-père meurt, à 58 ans, après un corps-à-corps de 7 mois avec la maladie. Mon mari est très affecté. Peu après, j’apprends que mon père adoré est lui aussi atteint d’un mal incurable.
C’est là que ça se corse pour moi et que je commence à couler.
Qu’appelez-vous couler ?
J’ai trois enfants à élever en même temps et je dois prendre soin de nos parents. Cet écartèlement entre la vie et la mort m’épuise et me mine. Quand papa s’éteint en 2011, je suis dévastée : il m’était si cher ! En parallèle, je ne me sens pas à la hauteur en tant que mère, peut-être parce qu’inconsciemment je m’attache à reproduire une image idéalisée de la mienne – à l’époque je n’ai pas le discernement nécessaire pour faire le tri dans ce que j’ai reçu en fonction de ma personnalité propre.
Ma vie me pèse, je n’arrive pas à tout gérer. Je n’ai plus de force, plus de désir, plus de joie. Je peine à mettre des mots sur ce mal-être que j’extériorise en perdant mes moyens : je m’énerve, je crie, puis je m’en veux et perds toute estime de moi… En ce temps-là, dans mon schéma de pensée, le devoir primait tant que je négligeais de m’accorder ces petits plaisirs qui rechargent les batteries. Je me suis mise en mode robot pendant 18 mois environ. Je ne me reconnaissais plus : où était la Clotilde dynamique et pleine d’entrain qui croquait la vie à pleines dents ? Par souci de bien faire, je m’étais rigidifiée jusqu’à n’avoir plus goût à rien.
Pourquoi n’en parlez-vous pas à vos proches ?
J’essaie, mais malgré la bonne volonté de certains, je ne me sens ni comprise, ni écoutée… Sans le savoir encore, je fais une dépression. Bien souvent, dans ce cas de figure, les exhortations de l’entourage sont décalées : « Bouge-toi, faut que t’avances, la vie n’est pas un long fleuve tranquille »… Même l’empathie bienveillante peut être à côté de la plaque : « C’est normal d’être exténuée avec des enfants en bas-âge… » C’est de l’aide de professionnels que j’avais besoin.
Comment l’avez-vous compris ?
Grâce à une amie venue passer une semaine à la maison début 2012. Quand elle ose poser les bons mots « Clotilde, tu fais une dépression », je me sens démasquée et en éprouve de la colère. Je me décide alors à voir un psychiatre et un psychologue, mais je ne tombe pas sur les bonnes personnes.
Pourquoi ?
Les traitements donnés ne font qu’aggraver mon mal et surtout je ne me sens pas respectée dans mes valeurs, mes idéaux… Je m’entends dire que mon mari n’est pas assez soutenant, que nous devrions divorcer ! Ce qui me sape encore plus le moral. Avec du recul, je mesure que ces professionnels n’avaient pas une démarche holistique, une approche globale du patient. Ils ont plaqué leur propre vision du monde sur moi, sans se soucier de ce que j’avais au fond du cœur. La leçon que j’en tire ?
Ne pas sonner à la porte d’un psy sans recommandation !
Que s’est-il passé ensuite ?
Cette prise en charge de six mois s’étant révélée inefficace, je m’enfonce toujours plus. Jusqu’à être attirée un jour de fin d’été par le vide d’une fenêtre ouverte, dans la maison familiale… Heureusement, ma sœur et mon frère qui se trouvaient là ont compris la gravité de la situation et m’ont arrêtée à temps. Ils ont su écouter en profondeur ma détresse et me délivrer le conseil approprié : « Tu as besoin d’aller en maison de repos. »
Il y avait donc une solution, une possibilité de guérison ? J’avais fini par croire que mon mal était pathologique, que je ne pourrais jamais en sortir. Ça a été un électrochoc, une lumière dans la nuit. Même si entrer en clinique psychiatrique m’a demandé de ravaler mon orgueil ! Mais cette fois, je me suis fait conseiller par le père d’une amie, un psychiatre. Le fait de me sentir en confiance m’a aidée à lâcher prise. Dès lors, le processus de guérison s’est enclenché. Je suis tombée sur une clinique formidable -la Clinique du Château de Garches, dans les Hauts-de-Seine- qui m’a permis de comprendre que pour guérir il fallait agir sur tous les plans.
Qu’entendez-vous par là ?
Nous sommes corps, cœur et esprit. Tout se tient. Si on délaisse une de ces composantes, on compromet sa guérison. Le corps d’abord : je recommande de ne pas attendre pour recourir aux médicaments… Si cinq ou six symptômes de dépression s’installent plusieurs semaines d’affilé, il faut consulter un médecin. Les médicaments sont une béquille indispensable pour ne pas s’écrouler. Pour ma part, je me suis embourbée dans ma détresse pendant deux ans et demi, si bien que j’ai eu droit à un traitement très lourd : je me perdais dans le flot des gélules diverses et variées…
Autre point : il est rare que le bon traitement soit administré d’office ; des mois de tâtonnements sont parfois nécessaires. La première molécule qui m’a été prescrite me donnait des nausées terribles, m’assommait… Il a fallu en changer. À la clinique, le psychiatre pensait qu’il me faudrait 5 ans sous médicaments pour m’extraire de ma dépression : 2 ans et demi ont suffi. Depuis 2014, j’ai tout arrêté, en douceur bien sûr et sous surveillance de mon médecin.
Quels autres moyens avez-vous pris pour prendre soin de votre corps ?
Je me suis mis à faire du sport : de la nage, de la marche. J’ai appris que marcher ¾ d’heure aère le cerveau. Je n’avais pas conscience avant de l’impact de l’exercice physique sur le bien-être. Puis, j’ai vu une nutritionniste qui m’a fait faire des analyses et m’a suggéré d’arrêter temporairement le lait et le sucre. Je n’y suis pas allergique, je dois juste modérer ma consommation. C’est toute une hygiène de vie qu’il faut mettre en place dans la durée. Aujourd’hui, mon alimentation est plus saine et je veille par exemple à refaire ma flore intestinale après la prise d’antibiotiques.
Et pour l’esprit et le cœur ?
J’étais trop cérébrale avant. Les ateliers d’art-thérapie proposés à la clinique m’ont ouvert les yeux : dès mon retour à la maison en Haute-Savoie -où nous sommes installés depuis 2008-, j’ai pris soin de consacrer chaque jour un temps à une réalisation manuelle : pâte à modeler, dessin, peinture, composition d’un bouquet…
Enfin, bien sûr, j’ai entamé un travail sur moi de 4 années auprès d’une psychothérapeute spécialisée en TCC, technique cognitive et comportementale : plutôt que de relire le passé, on décryptait ensemble des situations du quotidien porteuses de stress ou de négatif pour comprendre ce qui s’y jouait et être à même de les affronter. C’est une façon pragmatique d’avancer sur les nœuds qui nous entravent.
En résumé, pour renaître, j’ai agi simultanément sur toutes les dimensions de ma vie. J’ai été très disciplinée, en instaurant une sorte de canevas autour duquel rebâtir : marche le matin, prière, sieste de 12 minutes, activités impliquant les sens, dégustation de petits bonheurs sans culpabilité aucune…

Combien de temps vous a-t-il fallu pour être pleinement guérie ?
Le psychiatre avait parlé de 5 ans, ce qui m’avait accablée… En fait, il m’a fallu deux fois moins de temps pour me relever, mais j’ai préféré rester prudente et être très attentive à mon état pendant cette durée annoncée qui me servait de repère. Je voyais ça comme une ligne d’arrivée, au-delà de laquelle je considèrerais vraiment la dépression comme un mauvais souvenir… Pendant ce temps de convalescence, mon baromètre pour toute activité était : « Suis-je assez en forme pour faire ceci ou cela ? »
La priorité, c’était mon couple et nos enfants. Tout le reste venait après.
Qu’est-ce qui vous a aidée dans ce long processus de reconstruction ?
D’abord le fait d’avoir un diagnostic. Ce que je vivais était donc une maladie répertoriée, avec une issue possible : quel soulagement !
Ensuite mon entourage familial. Avant mon hospitalisation, mon mari était désarçonné, dans l’incompréhension de mon état. Après, tout a changé. Il s’est montré plein de bienveillance, dans l’accueil de ce que je vivais.
Et vos enfants ?
Les enfants vivent au présent, sans le poids du passé ni l’angoisse de l’avenir. Ce qui m’a été très bénéfique !
De même que le soutien familial et amical : quand on n’a plus d’estime de soi, comme il est bon d’être épaulée par des gens qui ne vous jugent pas ! Je me souviens de cette amie à qui j’ai déposé mes enfants une heure avant l’heure habituelle : « Je sais que je suis très en avance, m’étais-je excusée, mais je n’ai pas dormi de la nuit, il fallait que je les prépare maintenant, après je n’aurai plus la force… » « Pas de problème, avait-elle délicatement répondu. Je prends le relais… »
Je garde aussi en mémoire comme des pépites toutes les attentions dont j’ai fait l’objet : le bracelet offert par une amie avec cette adresse « Prends soin de toi, tu es si jolie ». Cette carte d’un arbre au printemps envoyée par une autre, qui me signifiait ainsi que l’hiver est toujours suivi d’un renouveau…
Je le savais bien sûr, d’autant que la foi chrétienne, fondée sur la Résurrection -la victoire de la vie sur la mort- tient une grande place dans ma vie. Mais j’avais besoin de le réentendre. Ça décuplait mon énergie !
Parlez-nous de votre foi.
Je le fais très volontiers, non sans insister au préalable sur un point : j’ai dit que nous sommes corps-cœur-esprit… mais il y a aussi l’âme. Je m’interdis d’en parler d’emblée aux personnes qui vont mal car il faut d’abord travailler sur les autres composantes pour sortir la tête de l’eau. Pendant ma dépression, je ne supportais pas les discours angéliques du type « Dieu peut tout, accroche-toi à l’Espérance… » J’avais prioritairement besoin d’être consolée, écoutée, soignée… Dans l’Evangile de la multiplication des pains, Jésus se préoccupe des besoins corporels de la foule venue l’écouter « Donnez-leur à manger » intime-t-Il à ses disciples.
Une fois ce constat posé, je l’admets sans ambages : la foi a été un baume précieux pendant cette descente aux enfers. J’ai beaucoup imploré le Jésus miséricordieux de sainte Faustine1. Cette épreuve a transfiguré ma manière de vivre ma foi, elle m’a révélé le Christ.
Que voulez-vous dire ?
J’ai hérité cette foi de mes parents, je me la suis appropriée pleinement à l’adolescence mais il a fallu que je touche du doigt ma fragilité, ma pauvreté pour approfondir vraiment mon lien au Christ. Au plus fort des ténèbres, j’éprouvais une telle honte, un tel sentiment d’humiliation ! Alors, je me suis sentie rejointe par ce qu’avait vécu Jésus dans Sa Passion. J’ai choisi d’accepter cette traversée du désert avec l’espoir de la transfigurer en gloire.
J’ai usé et abusé des sacrements2, tels que la confession et l’adoration, ce repos dans le cœur de Dieu générateur de consolation. Mon engagement virtuel à Spimaman -groupe de prière hebdomadaire par internet- a été un rendez-vous fondateur dans ma maladie et m'a fait vivre la grâce de la sororité. De même, notre Équipe Notre-Dame s’est avérée un vrai réconfort pour notre famille dans la maladie. J’évoquerai encore le livre du père Jacques Philippe Recherche la Paix et poursuis-la.
J’ai compris que ce sont nos intentions qui nous définissent, pas nos actes. Ce qui compte, c’est l’amour que l’on met dans ce que l’on fait. J’ai un tempérament de bosseuse, de chercheuse, je n’ai pas laissé de répit au bon Dieu ! Pendant des années, je Le suppliais sans voir le bout du tunnel… Il a fini par me donner des réponses. Vraiment. Voire plus ! Un an après l’hospitalisation, nous sommes partis en Terre sainte3 avec mon mari pour accompagner un groupe de scouts. Là, dans le désert, j’ai ressenti plus que jamais la présence du Dieu créateur. Comme un coup de foudre dans le cœur…
Et la Vierge Marie, vous la priez ?
Elle a toujours beaucoup compté pour moi. Pendant mes études, un événement m’a profondément marquée. De retour du mythique concert de Johnny Halliday au Champ-de-Mars où je m’étais rendue avec des amis, nous avons vu un homme sur le point de se jeter dans la Seine depuis le Pont Alexandre-III. Pétrifiés, quelques-uns d’entre nous se sont mis à chanter des « Je vous salue Marie » tandis que d’autres se précipitaient pour le retenir. Je n’oublierai jamais le regard de cet homme que nos prières ont interrompu dans son geste de désespoir et qui a finalement choisi la vie. Trois suicides de proches avaient assombri mes années d’étudiante et voilà que Marie volait au secours de ce malheureux… Depuis ce jour, je sais que la Mère du Christ répond à qui l’invoque. J’aime la prière du chapelet, main dans la main avec Elle.
Vers quoi orienteriez-vous ceux qui ne trouvent pas de secours dans la foi ?
Vers des lectures. J’ai cherché avidement des réponses dans des livres, des témoignages… et j’en ai trouvées, même parcellaires, chez des auteurs tels que le moine Anselm Grün ou le philosophe Alexandre Jollien.
Du côté du développement personnel, il y a des best-sellers qui valent le détour : je pense au livre de Lise Bourbeau Les cinq blessures qui empêchent d'être soi-même (Rejet, abandon, humiliation, trahison, injustice) ou à ceux d’Alexandre Dianine-Havard.
Plus récemment, j’ai découvert des ouvrages qui auraient pu m’aider dans l’abîme de la dépression : Je changerai tes larmes en joie - Surmonter les deuils de nos vies d’Elisabeth Mathieu-Riedel, Être mère, c'est... de Raphaëlle Simon, Lettre aux mamans de Bénédicte Delelis…

Et vous, pourquoi avoir écrit un livre ?
Pour redonner de l’espérance à ceux qui sont prisonniers de la dépression. Je sais que l’on peut se rétablir. Je mesure aussi qu’il y a aujourd’hui une crise de sens que certains expriment par ce biais : j’avais envie d’apporter un peu de lumière dans cette nuit de l’âme… Je continue à le faire par le biais de mon compte Instagram.
Et puis, il me paraissait important de dédramatiser : avant, j’avais de la psychiatrie une image épouvantable. Comme je me trompais ! Il y a des psychiatres formidables qui sont des pontes du cerveau, alliant précision scientifique et humanité.
Comment ce livre est-il reçu ?
Formidablement ! Comme il a dépassé les 3000 exemplaires vendus, il est désormais distribué par Hachette dans toutes les librairies. Voilà trois ans que je réponds à des interviews, donne des conférences, reçois mels et courriers. J’ai beaucoup de retours positifs, qui prouvent qu’il y a besoin d’une parole autour de ce sujet encore trop tabou. Depuis peu, la sphère médicale et paramédicale (psychologues, conseillers conjugaux) me sollicite et je m’en réjouis : les besoins sont réels.
10 ans après ces 5 années de neurasthénie, comment allez-vous ?
Bien ! J’ai réussi à trouver un vrai équilibre entre ma famille et ma vie professionnelle. J’ai renoué avec le journalisme par le biais d’une émission culturelle hebdomadaire -notamment sur la radio chrétienne RCF Savoie-Mont Blanc- et je suis devenue accompagnatrice en sortie de crise. J’aime ma vie et je suis dans la gratitude de ce que je reçois chaque jour.
Je n’ai plus du tout peur de rechuter, mais je sais que je peux être amenée à retravailler sur moi de temps à autre. Car une fois debout, je suis tombée dans l’écueil de la présomption : « C’est bon, j’ai tout réglé maintenant, je suis inoxydable. »
Sauf qu’à la sortie du livre, j’ai eu peur que le surmenage ne m’entraîne à nouveau vers le fond. Il m’a fallu revoir une psy pour comprendre les ressorts de ce manque de confiance en moi. En fait, le travail n’est jamais fini… C’est ce que j’ai retenu de cette épreuve décapante : la fragilité fait partie intégrante de notre être, sachons le reconnaître avec humilité et apprivoisons-la. Ce chemin de croix a été une étape vers un mieux : la nouvelle Clotilde est encore plus vivante que l’ancienne !
Et puis maintenant que j’ai touché du doigt la toute-puissance du Christ, je suis en confiance :
tout est possible, toujours !
Accompagnatrice en sortie de crise, ça signifie quoi exactement ?
J’aide des personnes en souffrance, en chair et en os, en visio et par téléphone, en fixant un cadre précis. Je fais avec elles un bout de chemin, avant de les orienter vers les professionnels compétents. Je m’appuie sur toutes les formations que j’ai faites, formations à l’écoute avec les AFC (Associations Familiales Catholiques), formation au leadership intégral avec Thomas More Leadership Intégral, ateliers Gordon pour une communication efficace et bienveillante, ateliers Faber-Mazlish pour un dialogue parents-enfants apaisé, etc.
Je me nourris aussi en continu par de nombreuses lectures : récemment, grâce à l’ouvrage 3 jours dans la nuit-Carnet d´une victimologue au cœur des abus d’Isabelle Chartier Siben, j’ai appris à décoder les contextes de pression qui conduisent à faire accepter aux autres ce qu’ils ne voudraient pas faire…
D’expérience, je sais combien il importe de ne pas se sentir seul(e), d’être rassuré(e) sur le fait qu’une guérison est possible. Ce que vous faites aux Accueils Louis et Zélie est tout à fait dans cet esprit : dans un monde empreint de violence et d’agressivité, on a besoin d’oasis de douceur, de bienveillance où l’on peut être écouté inconditionnellement, sans être jugés ou abreuvés de conseils. Où l’on peut s’alléger en toute confiance du poids de ses difficultés. Je tente modestement d’offrir pareil espace…
Pour en savoir plus sur l’histoire de Clotilde :
Se relever toujours, Éds. Artège, 2022, 245 p., 16,90 €.

NB : Si comme Clotilde, vous vous sentez au bout du rouleau, n'hésitez pas à prendre rendez-vous au sein de l'Accueil Louis et Zélie le plus proche de chez vous. S’il n'y en a pas, contactez-nous pour que l’on trouve ensemble une solution. Nous sommes à votre écoute.
1 Sainte Faustine (1905-1938) : religieuse polonaise qui fut favorisée d’apparitions du Christ. Ce dernier voulut en faire la messagère de Son inépuisable amour : "Ma fille, lui demanda-t-Il, parle au monde entier de mon inconcevable miséricorde. (...) Qu'aucune âme n'ait peur de s'approcher de moi, même si ses péchés sont comme l'écarlate." Le pape Jean-Paul II la canonisa en l’an 2000 et institua pour l'Eglise universelle la fête de la Divine Miséricorde. Voir l’image associée à sainte Faustine dans le témoignage de Marie-Sophie.
2 Un sacrement est un acte symbolique marquant les différentes étapes de vie des chrétiens, qui reçoivent par ce biais l’aide de Dieu pour fortifier leur foi. Il y a sept sacrements : baptême, communion (ou eucharistie), confirmation, confession (sacrement de la réconciliation), ordination (par laquelle on devient prêtre), mariage et sacrement des malades ou mourants.
3 La Terre sainte correspond à la région du monde où le Christ a vécu. Pour l’essentiel, cela recouvre aujourd’hui l'Etat d'Israël et la Cisjordanie.